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22 mai 2009

Vengeance

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"Ah que c'est ici, Hong Kong ?"

Johnny nous le dit lui même : "What is Vengeance ?" Le problème quand on va voir un film comme Vengeance réside avant tout dans la composition de la salle, en termes de public. De deux choses l’une : soit vous êtes là parce que vous êtes fan de notre Johnny national mais vous ne pipez rien au cinéma asiatique, soit vous idolâtrez Johnnie To comme le plus grand réalisateur de tous le temps, et vous vous demandez, quelque peu angoissé, ce que fout la marionnette star des Guignols de l’Info dans ce foutu film. Face à un tel auditoire, difficile pour Vengeance de convaincre qui que ce soit, les fans du chanteur qui allume le feu trouvant sans doute que tous les chinois se ressemblent et ne pigeant donc rien à l’histoire. Pour les autres…

Parlons-en des autres. De ceux qui n’en ont rien à foutre du type qui gueulait "On est champions" alors qu’on venait de se prendre une branlée qui entra dans la légende *. De ceux qui pensent que des fois, faudrait penser à la retraite, ou alors à arrêter de sortir deux albums pourris par an, juste pour rappeler au monde qu’on est bien vivant. Parlons donc de ceux qui s’en battent les coquillages de Johnny Hallyday. Parlons des Geeks.

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"Ah que moi aussi je suis Geek ! Vulcaiiiiin !" ("euh... non Johnny c'est pas ça le...)

Les Geeks, à la base, ils sont contents. Merde, un nouveau Johnnie To ça fait toujours plaisir. Après la claque monumentale d’Exilés (désolé John Woo, mais retourne te cacher, la relève est là), les Geeks ne pouvaient que piaffer d’impatience face au retour du polar urbain made in HK. Et franchement, ça commençait plutôt pas mal : Sylvie Testud (dans son plus grand rôle à ce jour * ) se voit offrir une scène d’intro des plus violentes et classes qui soient, avant que le titre du film ne s’affiche sobrement sur l’écran… Comme promis, il s’agira donc d’une histoire de vengeance… Puis arrive notre Jean Philippe Smet national, et ses premières répliques… comment dire… embarrassantes. S’adressant à sa fille en français, il suffira de trois phrases (pas plus) pour que dans la salle s’échangent quelques regards inquiets. "Putain il joue trop mal…" entend-on murmurer à droite. "Mais lol" se chuchote alors à gauche. Ambiance malaise dans la salle, les gens ne se sentent pas terribles… On aurait bien besoin du Magic System pour nous remonter le moral.

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"Ah que je leurs fous le feu, moi, au Magic Truc."

Et puis on consent quelques efforts (parce que merde c’est quand même du Johnnie To) pour avancer dans le film, qui dévoile alors tranquillement ses personnages pour finir par nous présenter Antony Wong (le chinois le plus classe du monde, déjà à l’affiche d’Exilés, et de quasiment tous les polars HK d’ailleurs <.<), son personnage offrant une vraie bulle d’air salvatrice au cœur de ce tourbillon d’ennui suscité par Hallyday. Le pitch se met alors en place : Johnny ne sera pas vraiment le "héros" au sens classique du terme : il embauche une équipe de tueur super stylés qui feront le boulot à sa place (Wong et ses potes, donc) et c’est dans cet aspect du scénario que résideront les meilleurs moments du film.

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"Ah que les meilleurs moments, c'est pas avec Johnny ?"

Car oui, des bons moments, il en offrira énormément. Classique histoire de tueurs se retournant contre leur ex-employeur, Vengeance nous offre les plus beaux gunfights vus à l’écran depuis… Exilés, justement. C’est bien simple : chaque joute est desservie par une idée graphique somptueuse, un concept de mise en scène aussi génial que spectaculaire (la pleine lune masquée par les nuages suscitant des fondus au noir, les cubes de déchets avançant à l’horizon tels de véritables fortifications moyenâgeuses, les escaliers filmés comme un dédale labyrinthique oppressant etc...). To pousse sa mise en scène tellement loin qu’il est maintenant presque réducteur de parler ici de scènes d’actions, tant ces affrontements semblent naître dans une recherche esthétique des plus rares, prouvant une fois de plus que la manière qu’a le cinéma Hongkongais d’envisager l’action au cœur de la narration est unique au monde. On retiendra tout particulièrement le baroud d’honneur de notre trio de samouraï, proprement hallucinant de classe et de fureur (ah, cette putain de musique héroïque !).

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Antony Wong. La classe incarnée made in HK.

Et si l’on parle de Samouraï, c’est bien parce que c’est de cela dont il s’agit ici : de héros "à l’ancienne" comme il n’en existe plus aujourd’hui ailleurs qu’à HK. De tueurs respectant avant toute chose leur propre code de moral et surtout, leur sens de l’honneur. A défaut de samouraï, on devrait même parler de Ronin puisque ceux-ci finalement s’offrent en permanence au plus offrant. Mais une fois le contrat accepté, quelque soient les conséquences, ils iront fatalement au bout de leur engagement, n’hésitant pas une seule seconde à mettre leur vie en jeu, quand bien même leur commanditaire ne les obligerais plus à rien (Johnny, perdant peu à peu la mémoire, ne se rappelle même plus qu’il veut se venger, ni qu’il a eu une famille. Notre trio pourrait alors reculer sans aucun scrupule, d’autant plus que le contrat se révèle le plus dangereux qu’ils aient jamais eu à effectuer, et qu’il signifie un voyage sans retour. Aucune hésitation ne sera pourtant formulée de leur part, les ancrant définitivement comme de véritables samouraï des temps modernes, ne reculant devant rien pour servir leur "maître", et garder leur honneur).

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"Ah que où are you, pipole ? Aïe donte rimanbeure."

Vengeance a donc d’énormes qualités, qui en font un excellent film. Dire le contraire serait mentir. Et pourtant, et pourtant… la perfection ne semble pas de mise ici, car l’ensemble de ces qualités ne feront ressortir qu’un "too bad" général à la sortie de la séance… Quel dommage, en effet. Quel dommage qu’un film aussi pétri de qualités graphiques, d’idées géniales et de seconds rôles charismatiques voit sa tête d’affiche interprété par ce légume de Johnny Hallyday.

Sincèrement, je n’ai rien à la base contre Johnny. Sa musique n’a jamais été ma tasse de thé, mais pour l’avoir vu une fois dans l’émission "en apparté" sur canal +, le personnage m’avait ému. A mille lieux de ses costumes de scènes exubérants, Jean Philippe Smet s’y était livré simplement, et dévoilait en toute humilité qu’il n’avait jamais voulu être chanteur. En effet la chanson n’avait été pour lui qu’un moyen de gagner sa vie, mais sa passion première, et son rêve de gosse restait avant tout de devenir un acteur. On peut imaginer l’accomplissement qu’il trouva dans Vengeance, vrai film de cinéma essuyant d’un coup d’un seul 40 ans d’apparitions dans des nanars tous plus affligeants les uns que les autres. Pourtant, aussi sympathique soit-il, Johnny n’est pas un acteur.

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"Ah que je suis quoi, alors ?"

Ainsi, le voir aligner ses répliques sur un ton monocorde à côté d’une star aussi talentueuse qu’Antony Wong a quelque chose de surréaliste. C’est un peu comme quand Houcine (qui ?) avait chanté avec Johnny, justement, sur le plateau de la Star Ac’. Difficile d’apprécier un duo quand une telle différence de talent et d’expérience se fait sentir. Sincèrement, le personnage de Johnny a beau avoir été écrit de manière cohérente avec l’origine de l’acteur (il y joue un Français qui ne connaît pas du tout le pays, et qui parle très mal l'anglais), aucune de ses scènes ne passe. Aucune. To a beau essayer de lui faire fermer sa bouche en insistant à mort sur ses regards perdus et ses silences, on ne peut s’empêcher de trouver ça bizarre. Johnny a une tête bizarre. Même quand il se tait, et qu’il regarde la caméra, on est mal à l’aise. Impossible de ne pas voir ici le papy aux cheveux colorés, au bouc de djeun’z et à la façade ravalée façon chirurgie esthétique. C’est un peu comme si Michael Jackson (pourtant très doué pour la comédie – voir son excellent Ghosts) devait jouer le rôle de Jack Bauer dans 24 : avec une gueule pareille, c’est impossible. C’est le même problème qui se pose ici pour Johnny, à ceci près que lui est, en plus, incapable d’aligner deux répliques sans que ça sonne faux. N’ayons pas peur des mots, Johnny Hallyday fait ici figure de la plus grande erreur de casting vue dans un film depuis…. la meuf de Robochic (!!) ou encore plus simplement cet empaffé de Justin Chatwin dans le rôle de Son Goku.

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"Ah que j'ai une tête bizarre ?"

Des lors, la question se pose :  Why ? why, putain, why ? Why why why why why why why ? Pourquoi a t-il fallu que Johnnie To vienne chercher notre allumeur de feu national ? Bert, notre éminent spécialiste de cinéma asiat’ me faisait remarquer très justement que Daniel Auteuil, par exemple, aurait été parfait pour le rôle. Ce dernier a en effet bien prouvé avec 36 quai des orfèvres mais aussi surtout sa prestation flamboyante dans MR73 qu’il était à l’aise dans le registre du polar noir. Une version de Vengeance avec Auteuil nous ferait alors presque autant fantasmer que la director’s cut du 13e Guerrier que l’on ne verra jamais. Mais revenons sur le choix du casting de Johnny Hallyday. A la sortie de la salle, les théories pouvant justifier un tel fiasco sont légion : To serait-il un fan de notre bon vieux rockeur ? Dans ce cas, où est le caméo d’Eddye Mitchell en vendeur de flingues, et celui de Dick Rivers  en petit indic’ camé ? Laurent Gerra n’aurait-il pas fait un meilleur Johnny que Johnny lui-même ? Ce choix était-il stratégique en vue de l’exploitation française ? Après quelques recherches effectuées à tête reposée, la réponse tombe comme une évidence, d’autant plus rageuse quand on se rend compte du film que ça aurait pu donner.

Le personnage de Francis Costello n’a en fait jamais été écrit pour Johnny Hallyday. Il avait été écrit à la base pour… Alain Delon. Une référence au personnage de Jeff Costello, le tueur solitaire que Delon interprétait dans… Le samouraï, de Jean-Pierre Melville, en 1967. Et la boucle de se boucler, cadrant parfaitement avec l’esprit du film (on comprend d’autant mieux l’attitude de notre trio de héros). Visiblement, To avait rencontré Delon à Paris et n’imaginait personne d’autre pour le rôle. Il faut savoir que Delon est une quasi divinité en Asie, justement grâce au film de Melville, dont l’atmosphère chevaleresque et la fascination pour l’Orient obsèdent les cinéastes de Hong Kong depuis très longtemps (John Woo a avoué à de nombreuses reprises son culte pour Melville, qui lui aurait donné envie de faire du cinéma). Ainsi, le projet de Johnnie To était donc de ressusciter le tueur du Samouraï, quarante ans plus tard, dans le labyrinthe de la ville de Hong Kong, faisant de Vengeance la suite directe (bien qu’officieuse) du Samouraï de Melville. On se rend alors compte de la noblesse du projet, sorte d’hommage destiné à rendre à César ce qui lui appartenait. Mais malheureusement et pour des raisons que lui seul connaît, Delon se retira du projet à la dernière minute…

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"Doumage."

Et les producteurs français en charge de l’acteur principal de proposer Hallyday… To n’ayant visiblement aucune idée de qui ce mec pouvait bien être se vit remettre deux DVDs…. de ses concerts au stade de France !! (o_O) Officiellement, "To fut convaincu de sa présence scénique" à la vue desdits concerts, mais impossible de ne pas voir ici une sombre histoire de deal à l’amiable, d’autant plus quand les bruits de tournage font écho d’un Hallyday mendiant sans cesse plus de temps de parole, alors que To lui expliquait en homme d’images que "les dialogues l’ennuyaient" et que "rien ne valait le silence" (en gros : ferme ta gueule quoi).

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"Mais non on est copaings, ah que regardez !"

Vengeance est donc une déception, d’autant plus flagrante de par l’aspect flamboyant de ses qualités. Clairement, la prestation monstrueuse de nullité de Johnny Hallyday en interdit le moindre achat en DVD (mais alors, interdit de chez interdit !), tandis que la majesté de ses scènes d’actions donne envie de les revoir à foison. Vengeance ferait donc un parfait argument dans la campagne de lutte anti-Hadopi : trop nul pour être acheté, mais trop bon pour être oublié, Vengeance se doit tout simplement… d’être téléchargé.

* : lol

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